Promiscuous Meet [Res.]

Les maigres rayons de soleil peinaient à réchauffer l’atmosphère tant une brume épaisse et nébuleuse semblait recouvrir l’école. Whirlof quitterait bientôt le royaume des songes - les élèves et les professeurs avec elle - et une nouvelle journée débuterait alors. La grande salle des repas serait peu à peu envahie par une multitude d’enfants et d’adolescents affamés, les couloirs seraient quant à eux piétinés à tire la gogo dans un brouhaha assourdissant, et enfin, la cour extérieure accueillerait elle les plus courageux, ceux capables de braver le froid. Ici les matinées se ressemblent toutes - réveil en fanfare, tohu-bohu culinaire, et récits des derniers potins - et pourtant elles ne sont jamais réellement les mêmes. Les élèves font tant d’erreurs, de bêtises, ou bien au contraire d’exploits, qu’il est impossible de sommeiller dans une quelconque routine.

Et de toute manière, cela n’avait jamais fait partie des ambitions d’Ava lorsqu’elle avait décidé d’accepter le poste qu’on lui proposait. Elle se situait carrément aux antipodes d’une vie rythmée par un « train train quotidien ». D’une part parce que son passé houleux ne lui en avait pas laissé le choix, il avait fait de son histoire une sorte d’énigme dont personne n’avait pu résoudre le mystère. D’autre part parce que son caractère extravagant l’éloignait tout naturellement du supplice qu’est la « banalité ». Elle agissait toujours le plus fidèlement possibles aux valeurs qu’elle s’était elle-même inculquée, et faisait de sa vie la plus pure expression d’une forme de liberté, ou tout du moins d’indépendance. Jusque là, un seul homme avait réussi à partager sa vie - et autant dire que cela tenait plus du miracle que d’autre chose - et désormais cela faisait plus de 10 ans qu’elle refusait toute relation sérieuse, stable.

Le seul mâle qui continuait à partager sa vie était un chat et ma foi, elle avait fini par s’en accommoder. Cette petite boule de poil était un don du ciel, une sorte d’ange gardien et elle était plus que fière de l’avoir comme tatouage au creux des reins, bien qu’elle ne se souvienne absolument pas d’en avoir fait un. Elle préférait ne pas trop se poser de questions. Après tout, depuis qu’elle l’avait adopté, il avait mystérieusement éloigné les mauvaises ondes environnantes, permettant ainsi à la jeune femme de prendre la vie du bon côté. Elle avait fait ses multiples deuils, travaillait dur, et voilà que désormais elle se retrouvait à enseigner dans l’école qui - des années auparavant - l’avait accueilli bras ouverts. Le hasard faisait bien les choses.

Et quand on parle du loup. Alors qu’elle descendait deux à deux les marches de l’escalier principal, elle se stoppa immédiatement en entendant les miaulements excessifs de Shadow. Il tombait mal, réellement mal. Elle qui s’était justement levée aux aurores pour éviter la foule, il lui faisait perdre son temps. Elle avait en effet l’intention de rejoindre la petite cour extérieure juste histoire de prendre un grand bol d’air frais, et autant dire qu’elle était habillée pour. Sa jupe et son chemisier blanc passait inaperçus tant son manteau en imposait. D’origine Russe, elle avait l’habitude des températures hivernales, et autant dire qu’elle avait tout un attirail vestimentaire parfaitement adapté. Mais visiblement, son chat semblait être attiré par quelque chose d’autre. Alors qu’elle rouspétait après lui, se demandant pourquoi il ne la rejoignait pas, elle comprit rapidement qu’il était effrayé et intrigué. Son regard clair semblait fixer un point derrière elle. Ava se retourna donc, perplexe et aperçut finalement un de ses élèves, en bas des escaliers .

« Alexis » lâcha-t-elle tout d’abord à demi étonnée. Elle descendit quelques marches.

« Je ne sais pas pourquoi, mais vous terrorisez mon chat » ajouta-t-elle finalement en soupirant, l’air faussement dépité.

La curiosité reprit alors le dessus, et tout en fronçant les sourcils, elle l’interrogea sur les raisons de sa présence ici.

« Il est tôt, très tôt même. Pourquoi avoir quitté les bras de Morphée prématurément ? »

Une voix le tira de ses pensées, le fit presque sursauter. Il ne s'attendait pas à trouver quelqu'un d'aussi matinal que lui, bon bien sûr les professeurs l'étaient mais de là à se retrouver avec l'une d'entre eux, il ne fallait pas charrier. Il y avait très peu de chance que son chemin croise celui d'un des dictateurs avec matière attitrée. Seulement c'était le cas et il regrettait soudainement d'être sortit de son lit si tôt. Pourtant il avait bien dormit, aucune cauchemar n'était venu troubler son paisible sommeil et il s'était levé du bon pied, un sourire affiché sur les lèvres, surtout après avoir mit de la crème à raser sur la main d'un élève partageant le dortoir. Décidément, il aurait mieux fait de rester au lit. Levant les yeux vers la voix qui semblait étrangère, surtout après ces longues vacances.

"Je...Quoi?"

Comme quoi les bonnes vieilles habitudes ne changent jamais. Il est resté le même, aucun changement du point de vue caractère mais quand même un peu lorsqu'on parle de maturité. Oui, c'est incroyable mais vrai, le fait d'avoir passer toutes ses vacances avec son père, sans pouvoir assouvir son besoin quotidient en connerie, lui avait fait prendre d'importantes décisions quand à son attitude qui devait changer, légèrement...Maintenant de retour à Whirlof, c'était bien dans ses plans de continuer à faire le pitre, mais que dans certaines occasions. Celle-ci n'en n'était pas une, il devait montrer qu'il avait quand même grandit mentalement, peu importe le professeur face à qui il se trouvait. Il leva les yeux pour tout d'abord regarder le chat noir qu'il aurait bien envoyer en bas des escaliers avec un bon coup de pied. Il n'aimait pas les chats, ces êtres paresseux et égocentriques à souhait. Il ne le regarda pas nécessairement méchament et changea son regard de direction avant de carrément lui sauter dessus.

Ah, la prof de Latin. Il avait espéré que ce ne soit pas elle, mais en vain. Non pas qu'il ne l'appréciait pas, au contraire. Au moins il ne perdait pas tous ses moyens devant celle qu'il considérait être la plus belle prof de Whirlof et peut-être même qu'elle donnait de la compétion à certaines autres des écoles du nord de l'europe. Enfin bref, il ne pouvait détacher ses yeux des siens.

"Le chat? Ce doit être le fait de se retrouver nez à nez avec quelqu'un qu'il ne connait pas."

Le jeune anglais haussa les épaules. Enfait le chat devait surement savoir qu'il ne pouvait tout simplement pas le sentir, et de se fait voulait déguerpir avec que le ciel ne tombe sur lui. Mais Alexis n'en ferait rien, ce n'était pas comme si il allait maltraiter un chat pour le simple plaisir. Il monta une marche pour que ses deux pieds soient au même niveau et s'accota sur la balustrade.

"Je me suis réveiller avant tout le monde et je ne voulais pas rester dans le dortoir. Et vous?"

S’il y avait bien une chose à laquelle elle ne s’attendait pas, c’était bien celle d’avoir autant de compagnie de si bon matin. Avec le temps, elle avait compris que ‘lever aux aurores’ rimait indéniablement avec tranquillité et solitude - surtout dans une école remplie de petits chenapans qui, une fois debout, imposent leur rythme vertigineux à l’ensemble des locaux. Seulement ce matin là, sa théorie tombait magistralement à l’eau ou tout du moins, elle ne trouverait jamais le silence nécessaire pour se lancer dans une quelconque méditation. D’une part parce que Shadow faisait - encore - des siennes. Il pouvait se montrer très capricieux quand il le voulait, d’ailleurs elle était persuadée que ses miaulements ne faisaient que réclamer à manger ou quelques câlins. Et une fois encore, elle se trompait.

Sa petite boule de poil noire fixait étrangement quelque chose qu’elle ne pouvait pas identifier, elle en déduisait simplement sa proximité. Elle sentit alors une présence humaine derrière elle, fit volte-face, et fut nettement rassurer de voir apparaître la silhouette d’Alexis Clarcke quelques marches plus bas. Un sourire presque maternel illumina alors le visage de la jeune femme. Elle était ravie de revoir l’un de ses apprentis traducteurs en langues anciennes car cela lui permettait de réaliser que c’était bel et bien la rentrée et donc, que dans quelques heures, elle rentrerait à nouveau dans la peau d’un professeur entièrement passionnée par sa matière, comme tous ici.

Le jeune homme monta quelques marches tout en discutant des raisons qui pouvaient pousser Shadow à se comporter ainsi, mais finalement, l’animal descendit à son tour et vint poster ses fesses juste aux pieds de sa maîtresse, un air de défi dans les yeux. Ava porta alors son attention sur lui, cherchant à comprendre le message qu’il tentait de lui faire passer. Généralement, c’était mauvais signe. Il veillait sur elle comme un ange gardien, et lui avait toujours apporté compagnie et réconfort le moment voulu. Alors forcément, elle lui ferait confiance et resterait sur ses gardes. Qui sait, Alexis pouvait très bien être en proie à tout un tas de sortilèges.

« Ou peut-être avec quelqu’un qui a de mauvaises intentions » reprit-elle sur le même ton que lui, l’air faussement innocent. Elle jeta un coup d’œil à son chat avant d’écouter attentivement la réponse du jeune homme, rien d’anomal à priori. A son tour elle entreprit de répondre à sa question.

« Je voulais souffler un peu avant de faire cours en compagnie de mes détestables élèves » lâcha-t-elle avant de rire légèrement, car bien entendu, ses propos ne s’avéraient être que de simples plaisanteries.

« Non, disons simplement que je suis très matinale. L’avenir appartient à ceux qui se lève tôt il parait » conclut-elle finalement l’air légèrement dans le vague, bien qu’elle ne le quitte pas des yeux.